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Gros suspense à 100 milles du finish

par Quentin Mayerat

 

 

 

 

Le vainqueur de la 4e étape de La Solitaire du Figaro Eric Bompard Cachemire est attendu à Dieppe demain mercredi à la mi-journée. Mais à 15 heures du bouquet final, alors que les pièges s’accumulent depuis ce matin sur la route des solitaires, impossible de dire qui sera sacré en Normandie. En tête, au niveau du raz Blanchard, huit bateaux emmenés par le trio Tabarly/Meilhat/Jossier se tiennent en moins d’un mille. Parallèlement, tous les regards sont braqués sur le classement général de cette édition 2011. Si les positions se figeaient à ce stade de la course, Jérémie Beyou serait toujours dans le match pour rafler la mise devant son jeune dauphin Fabien Delahaye. En revanche, ce serait très chaud entre Erwan Tabarly et Nicolas Lunven pour l’accession à la troisième marche du podium …

 

Jérémie Beyou (BPI) n’est plus en tête de la quatrième étape depuis le classement de 8 heures ce matin. Il a passé le témoin à Erwan Tabarly (Nacarat) qui ouvre la voie au niveau du raz Blanchard avec quelques centaines de mètres de marge seulement sur Paul Meilhat (Macif 2011) et Nicolas Jossier (Entreprendre en Pays Granvillais). Oubliez donc la hiérarchie de la veille, tout a changé aujourd’hui entre l’île de Batz et les anglo-normandes.

 

Une journée à pièges

Ce matin au large de Bréhat, la flotte, prise dans les mailles du centre de la dépression s’est retrouvée encalminée pendant deux bonnes heures. Ces 120 minutes ont suffi pour semer la zizanie dans les positions. Les concurrents situés au large des côtes ont toujours gardé un peu de vent et ont pris l’ascendant, pour ne pas dire l’ascenseur, exécutant quelques bonds spectaculaires au classement. C’est le cas de Nicolas Jossier (Entreprendre en Pays Granvillais) qui gagne 20 places entre le pointage de 4 heures et celui de 10h30, d’Eric Péron (Macif 2009) qui n’a pas hésité à traverser toute la flotte pour venir se repositionner. Bien lui en a pris : il grimpe de 15 places. Idem pour Alexis Littoz (Savoie Mont-Blanc) et dans une moindre mesure pour le nouveau bizuth de tête Thomas Ruyant (Destination Dunkerque) qui monte de 9 places, quand Isabelle Joschke (Galettes Saint Michel) était bonifiée de 7 rangs…

 

Bothuon et Gouézigoux font un gros coup

Mais le jack pot de la journée est à mettre sur le compte de deux échappés qui ont pris la poudre d’escampette après le passage de l’île de Batz, n’hésitant pas à mettre 10 milles de latéral entre eux et la meute : Michel Bothuon (Les Recycleurs Bretons) et Laurent Gouézigoux (Valorisons). En s’évadant au large et en passant au nord de Guernesey, les deux hommes ont fait coup double : ils ont d’abord esquivé le premier épisode de pétole puis les dévents des reliefs de Guernesey. Résultat des courses : ils ont toujours avancé, parfois deux fois plus vite que leurs 42 autres adversaires. A la vacation de la mi-journée, Laurent Gouézigoux confiait s’être simplement fié aux informations données par le sémaphore de Guernesey pour connaître les conditions de vent sur zone. Basique. Et surtout très efficace ! Pendant que lui et son compagnon caracolaient avec 12 nœuds de vent de travers au large des anglo-normandes, tous les autres se retrouvaient en lutte avec un souffle erratique sous les reliefs de l’île, alternant spi et génois dans le passage du Grand Russel, le tout dans un brouillard à couper au couteau.

 

Faîtes vos jeux

Au final, tout ce beau monde s’est retrouvé sous Aurigny (à laisser à bâbord). Laurent Gouezigoux, actuel 6e, a gagné 35 places dans l’opération et celui que tout le monde appelle « Michboth » en a empoché 32 ! La horde s’est donc reconstituée, elle est très compacte (les 20 premiers en 3 milles) et progresse dans un vent de nord-nord-est d’une douzaine de nœuds vers la pointe du Cotentin, dans une brume épaisse. Le courant sera favorable pour une grande majorité d’entre eux au moment de franchir le raz Blanchard, mais attention aux retardataires qui l’auront dans le nez à partir de 19h30 !

Passé ce dernier piège, les 100 derniers milles vers Dieppe vont s’apparenter à une course de vitesse sous spi, dans un vent qui tournera à l’ouest en fraîchissant. Pour le moment, le suspense est total quant au classement de cette étape. Erwan Tabarly (Nacarat) ne devance Paul Meilhat (Macif 2011) que de 0,2 mille. Nicolas Jossier (Entreprendre en Pays Granvillais) est à 0,5 mille. En quatrième et cinquième position, on trouve les deux premiers du classement général après trois étapes : Jérémie Beyou (BPI) et Fabien Delahaye (Port de Caen Ouistreham). Bord à bord, les deux hommes ne se quittent plus et naviguent à vue, même si l’expression est franchement usurpée compte tenue de la visibilité extrêmement médiocre sur zone. Jérémie qui dispose de 34 minutes et 15 secondes d’avance contient sans véritable problème (pour l’instant) les assauts de son jeune dauphin. La troisième marche du podium sera en revanche très chèrement payée. En tête à ce stade de la course, Erwan Tabarly (Nacarat) a pris une sérieuse option sur une médaille de bronze que Nicolas Lunven (Generali) avait jusque-là autour du cou. Ce dernier est pour l’instant relégué en trentième position. Et tout risque de se jouer pour une poignée de minutes.

 

C.El

 

 

Ils ont dit :

 

Jérémie Beyou (BPI)

« J’oscille entre rire et pleurer ! Un orage m’est tombé dessus : on est passé du portant au près : ça occasionne des regroupements avec des calmes et des bascules imprévisibles. Je fais le « marqueur » et c’est plus facile pour ceux qui sont derrière… Le vent bascule du Nord-Est au Nord-Ouest et c’est difficile : je suis derrière Nacarat (Erwan Tabarly), Macif (Paul Meilhat), Entreprendre en Pays Granvillais (Nicolas Jossier). Et juste à côté, je vois Fabien (Delahaye) qui vient de se planter dans un calme. J’essaye tout de même de la surveiller parce que dans ces conditions, il pourrait se créer des écarts. Comme tout le monde, j’attends que le vent s’installe vraiment au Nord-Ouest : c’est toujours très orageux en ce moment, et on ne doit pas être très loin du centre de la dépression… »

 

Erwan Tabarly (Nacarat)

« On tirait des bords le long des côtes la nuit dernière, et puis le vent s’est écroulé ce matin : ça démarre, mais ça ne va pas vite ! Je suis sous Guernesey sous spinnaker avec 4 nœuds de vent. C’est laborieux. On va être juste pour passer le raz Blanchard mais il ne faudrait pas que cette zone de vents faibles perdure trop longtemps… »

 

Michel Bothuon (Les Recycleurs Bretons)

« Je navigue au vent de Guernesey avec de la brise de Nord dix nœuds et le courant de marée montante est avec moi. La météo indiquait que le vent allait tourner vers le Nord à Nord-Est et en sus, le fait d’être sur la route directe fait faire moins de distance. Laurent (Gouezigoux) est le seul avec moi ! Je crois qu’on est dans le vrai si tous les autres sont sous le vent de l’île de Guernesey. Je pense qu’on va arriver vers 17h au raz Blanchard, mais on va refouler le jusant à Barfleur. Pour l’instant, je suis en forme : j’ai bien mangé, mais je n’ai pas beaucoup dormi à cause de la mer. »

 

Isabelle Joschke (Galettes Saint Michel)

« Cette deuxième nuit n’était pas facile à négocier au niveau tactique parce qu’une dépression nous est passée dessus. Le vent a tourné dans tous les sens. Je suis contente d’en être sortie et j’ai recollé le groupe de tête, au niveau de Guernesey. Le vent est tombé sous un nuage et nous sommes au près ! Il ne faut surtout pas se faire coincé dans un trou d’air. J’espère qu’on va passer à temps dans le raz Blanchard parce que s’il faut mouiller… »

 

Nicolas Jossier (Entreprendre en Pays Granvillais)

« Cette nuit, j’ai voulu me décaler dans le Nord après l’île de Batz : je suis parti avant tout le monde… Je suis bord à bord avec Fabien Delahaye et devant Jérémie Beyou : il va falloir tenir la cadence ! Il y a eu un coup tordu sous Guernesey : il a fallu affaler le spinnaker. Maintenant, le vent est plus stable en direction mais le passage du raz Blanchard s’annonce délicat. »

 

Laurent Gouezigoux (Valorisons)

« Je navigue avec douze nœuds au vent de travers, en route directe vers le raz Blanchard que je devrais passer vers 16h30 avec le courant dans le derrière. J’ai fait un choix tactique, tranché certes, mais je me suis appuyé sur les observations du sémaphore de Guernesey pour éviter de passer en dessous de l’île. J’ai réussi à dormir la nuit dernière en grimpant dans le Nord en tribord amures : j’ai bien récupéré du début d’étape ! »

 

 

 

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