Texte : Oliver Dufour Photos : Jean-Marie Liot

Partie le 7 novembre du Havre, la Transat Jacques Vabre a connu cette année une participation record, avec près de 80 embarcations au départ. Parmi elles, un équipage helvétique qui fait très bonne figure.

Impératifs de calendrier obligent, il n’était pas possible de rendre compte du classement de la mythique transatlantique en double dans ces pages. Même si les multicoques des classes Ultim et OceanFifty sont de véritables fusées des mers et qu’elles atteindront la Martinique bien avant les monocoques IMOCA et Class40 qui les suivent, les conditions relativement calmes rencontrées par les navigateurs au cours de la première dizaine de jours de course n’allaient pas permettre de flirter avec le record de l’épreuve établi par Thomas Coville et Jean-Luc Nelias en moins de 8 jours en 2017. Surtout dans une formule inédite, avec trois parcours différents à emprunter pour les quatre classes représentées. L’idée étant d’allonger les distances pour les plus rapides, avec des boucles autour des archipels brésiliens de Fernando de Noronha (OceanFifty et IMOCA) ou de Trindade et Martim Vaz (Ultim).

Ça n’a pas empêché cette Transat Jacques Vabre, 15e du nom, d’atteindre une nouvelle dimension. Avec 79 bateaux au départ – 76 toujours en course au moment d’écrire ces lignes –, le record de participation datant de 2007 (60 voiliers) a été nettement battu. Chez les Class40, le nombre de concurrents a explosé depuis l’édition précédente, passant de 27 à 45. De quoi donner davantage de fil à retordre au seul équipage entièrement suisse, composé de Valentin Gautier et de Simon Koster. Excellents quatrièmes en 2019, après avoir pourtant vécu une préparation des plus chaotiques, les deux équipiers du Roesti Sailing Team, à bord de Banque du Léman, avaient des vues très claires sur le podium, peu avant le départ donné le 7 novembre au Havre.

Justine Mettraux et son co-skipper Simon Fisher ont malheureusement démâté au large de la corogne.

On a perdu en poids et gagné en équilibre.

«Dans tous les cas, c’est agréable de partir sans se mettre dans le rouge, comme nous l’avions fait voici deux ans, rigolait Valentin Gautier, joint dans les jours précédant le coup de canon. Et avec un bateau stabilisé, fiable et performant dans toutes les conditions. Nous étions chocolat la dernière fois, cette fois nous aimerions une vraie médaille.» Un objectif pour lequel les deux Suisses ont travaillé fort, apportant encore des modifications à leur rapide monocoque. «Nous avons notamment modifié la coupe de certaines voiles et en avons ajouté d’autres, a confié le Versoisien. Nous avons aussi reculé le moteur d’environ deux mètres sous le cockpit pour offrir une meilleure ergonomie et optimiser le centre de gravité. Et nous avons également réduit les diamètres des tuyaux des ballasts, ce qui nous a allégés de 20 kg.»

Le Maxi Edmond de Rothschild n’a jamais quitté la tête de course.

Restait à composer avec le principal impondérable: les conditions météorologiques. «Ça s’annonce quand même un peu mou, pestait Valentin Gautier en étudiant les dernières prévisions avant le départ. Et paradoxalement nous sommes presque un peu déçus de ne pas pouvoir prendre notre revanche avec le redoutable Pot-au-Noir, qui nous avait bien fait perdre du temps la dernière fois. Il y a un avantage dans le fait que ça ressemble au parcours de la Mini-Transat, mais, par contre, on perd le bénéfice de longer le Brésil, avec cette allure au reaching que notre bateau affectionne tant. Mais comme il se comporte bien aussi au portant, ça va bien se passer.» Un vœu confirmé par la bonne remontée du duo helvétique, après un départ plus ardu. Toujours au contact des leaders, Banque du Léman a même provisoirement occupé la tête du tableau des Class40 au cours de la première dizaine de jours de course. Il restait toutefois bien du chemin à parcourir avant de humer les parfums de la Martinique.

Le départ de la Jacques Vabre et les splendides falaises d’Étretat en toile de fond.

Stoppés nets par un démâtage

Seule autre navigatrice au passeport rouge à croix blanche engagée sur cette TJV, Justine Mettraux, associée au Britannique Simon Fisher, avait également de quoi nourrir de belles ambitions à bord de l’un des deux IMOCA de 11th Hour Racing Team. Malheureusement, alors que l’équipage était en approche du cap Finisterre, leur embarcation a été victime d’un très frustrant démâtage. Sains et saufs mais contraints à l’abandon, Mettraux et Fisher ont été forcés de rapatrier leur voilier à sa base de Port-laForêt. «On a eu le temps de digérer et ça ne sert pas à grand-chose de se morfondre, martelait la Versoisienne quelques jours plus tard. On ne sait pas trop ce qui s’est passé. On fera des vérifications pour tenter d’en savoir plus. Mais là notre équipe est au repos bien mérité après avoir bien travaillé jusqu’au départ de la course.»


Le monocoque endommagé, ex-Hugo Boss 2016, passera ensuite aux mains de Benjamin Dutreux, à qui il a été vendu en vue de la deuxième participation du Français au Vendée Globe, en 2024. Justine Mettraux héritera alors de l’autre IMOCA 11th Hour Racing Team, Malama, mis à l’eau en août dernier et qui se tenait toujours dans les équipages de tête à l’heure d’écrire ces lignes. «On reprendra la navigation avec au printemps, dans le but de préparer la prochaine édition de The Ocean Race, dès l’automne.» Malgré la brièveté de l’aventure TJV cette année, la navigatrice retiendra surtout le positif. «Nous sommes vraiment bien en phase avec Simon. On allait vite en moyenne et on a réussi un bon début dans le petit temps. C’est bon pour la suite.»

Banque du Léman n’a jamais rien laché en Class40 et a animé l’avant de la flotte.

Dans la classe Ultim, le Maxi Edmond de Rothschild (Franck Cammas, Charles Caudrelier) avait, à l’heure de la mise sous presse, fait le trou avec ses poursuivants, Banque Populaire XI (Armel Le Cléac’h, Kevin Escoffier) et SVR-Lazartigue (François Gabart, Tom Laperche), après avoir enroulé Trindade et mis le cap sur l’arrivée.