Le jeune navigateur a remporté l’édition 2020 de la Syz Translémanique en Solitaire. À bord de son Surprise, le Genevois de 21 ans a réussi une course brillante. En temps réel, c’est François Thorens qui a été le plus rapide.

Texte: Rod Vuilerouf

Il fallait beaucoup de patience et avoir le regard perçant pour tracer sa route sur la 47e Translémanique en solitaire, les 29 et 30 août derniers, et ainsi pouvoir accrocher les éparses et brèves bascules de vent. Au départ, déjà, il fallait avoir repéré que la première risée à perturber le calme plat de ce samedi matin humide ne viendrait que du côté nord de la ligne de départ, posée dans le prolongement de la Société Nautique de Genève. Les premiers à en profiter, auteurs d’un très bon départ sur le coup de 9 h 30, ont été le Luthi 34 Perchette de Serge Patry, l’Esse 850 Darnetal de David Pertuiset et le Psaros 33 Makani de Jacques Emery. Ce dernier, poussé tantôt par un discret Joran, tantôt par une douce Molaine, a rapidement pris le commandement des opérations, peu à peu rejoint en tête par d’autres Psaros 33, dont Carpediem Cube (Luc Munier), Eole 7 (Nicolas Baudu) ou encore MSC (Nicolas Groux), mais également talonné par l’épatant Toucan en bois L’Egger (Christophe Magnin), jeune de 41 ans.

SUR LE RETOUR DU BOUVERET, UN CHOIX TACTIQUE PAYANT A PERMIS À CELLMEN TBS DE LARGUER LA CONCURRENCE.

MSC premier à enrouler la bouée du Bouveret

Jusqu’en début d’après-midi, la centaine de monocoques a fait de son mieux pour trouver le placement approprié dans le Petit-lac, sans pouvoir réellement anticiper que l’apparition des airs aurait pour origine la rive suisse ou le vis-à-vis français. « Il faut vraiment être attentif », constatait Jenifer Schlup, skipper du Grand Surprise Isis, levant les yeux vers le sommet de son mât, puis scrutant l’horizon à la recherche d’un signe favorable. « Elle vient cette Bise annoncée ? », s’impatientait pour sa part Anne Chiary-Bory, à bord du Swan Vire Vent IV. Les concurrents devant se contenter d’un Bisoton variable pour faire route vers le Hautlac, à la poursuite du Psaros 40 Cellmen TBS (François Thorens). Celui-ci était resté scotché sur la ligne avec des algues sur la quille au moment du départ, mais est néanmoins revenu en cravachant, profitant d’une bonne vitesse de pointe, à l’avant d’une flotte désormais très allongée entre Yvoire et Thonon.

IL FALLAIT ÊTRE SUR LE QUI-VIVE ET FIN DANS LES RÉGLAGES POUR NE PAS MANQUER LA BONNE RISÉE.

Pendant qu’on assistait à de belles empoignades dans toutes les classes, dont la petite quarantaine de Surprise et la dizaine de Grand Surprise, c’est Nicolas Groux sur MSC qui contournait le premier la bouée du Bouveret après neuf heures de course (à 18 h 23) pour attaquer en tête le trajet retour, devant Jacques Emery sur Makani. Mais cette régate en temps réel allait être celle de François Thorens et de son rapide Psaros 40, passé en troisième position à mi-parcours. « J’ai vu le duo de tête partir à nouveau vers la côte suisse, ce qui leur avait permis de me dépasser à l’aller, a observé le navigateur du CV Vevey-La-Tour. Mais j’ai aperçu un joli grain qui avait l’air de venir vers Évian et j’ai effectué quelques virements pour rester dans le vent. J’ai aussi opté pour un plus petit génois pour faciliter les manoeuvres. En tant que chasseur, je me suis dit qu’il fallait tenter un truc. Rien de suicidaire, ce n’est pas mon genre, mais une option un peu différente, a confié le skipper de Cellmen TBS. Les deux autres n’ont jamais vraiment pu accrocher le vent, coincés entre deux zones, pendant que j’ai eu de bons airs sur presque tout le retour. »

30.08.2020; Voile; Geneve; Syz Translemanique en solitaire. Nicolas Groux avec MSC Photo Jean-Guy Python

C’est finalement après un peu plus de quinze heures de course, que François Thorens a bouclé (à 00 h 40) son périple translémanique, remportant pour la deuxième fois l’épreuve au scratch, après son succès initial en 2017. « C’était franchement une belle course, indépendamment du fait d’arriver premier ou pas, a apprécié le marin de la Tour-de-Peilz, qui n’a pas souffert de la longueur de la régate. L’an dernier j’avais mis trois heures pour atteindre la Pointe-à-la-Bise tellement l’air était absent. J’avais rendu ma balise au passage au Bouveret et j’étais rentré directement chez moi. Et en 2018, il avait soufflé trop fort pour prendre le départ. Je n’avais pas voulu prendre de risques avec un bateau sur lequel on navigue en général à huit ou dix. » Derrière Cellmen TBS, ce sont les Psaros 33 Eole 7 (2 h 00) et MSC (2 h 12) puis Pétrel et Carpediem Cube qui ont ensuite franchi la ligne.

Deux victoires de suite en Surprise

Mais dans cette régate, l’essentiel demeure le classement au temps compensé. C’est celui qui rétablit autant que possible l’équilibre entre les différents types de bateaux. Et sur ce plan-là, tout restait encore à jouer au plus profond de la nuit, alors que la pluie se remettait à tomber par intermittence ou même en continu le dimanche matin. Et c’est finalement le jeune navigateur Joshua Schopfer, 21 ans, qui a été récompensé de sa très belle course, victorieux sur son Surprise Spirit of… En franchissant la ligne d’arrivée dimanche en début d’après-midi, après plus de 19 heures de course, le skipper de la SNG s’est assuré sa deuxième victoire dans la classe Surprise en autant de participations. Il a devancé non seulement les 36 autres concurrents de sa catégorie, mais également plusieurs monocoques généralement plus rapides, dont dix des onze Grand Surprise ! « La course était très difficile et tactique, avec des risées qui semblaient rentrer, puis qui disparaissaient, a décrit Joshua Schopfer. En regardant les autres Surprise, c’était parfois dur moralement de les voir revenir ou passer lorsque j’étais bloqué dans un trou. En revanche. j’ai vraiment fait une magnifique descente vers Yvoire. Ça m’a permis de couper un peu plus le fromage pendant que les autres faisaient davantage de route. Je suis très heureux de cette victoire ! »

30.08.2020;JOSHUA SCHOPFER N’A JAMAIS LÂCHÉ SON OS POUR SIGNER UNE GRANDE VICTOIRE.Photo Jean-Guy Python