Indispensables au bon maintien des carènes de bateaux qui restent à l’eau toute la saison, les antifouling ne sont pas sans impacts sur l’environnement. Petit tour d’horizon de la législation et des bonnes pratiques en la matière

Texte: Vincent Gillioz

Les peintures antifouling ont pour fonction d’éviter l’encrassement des carènes de bateaux par les organismes tels que les algues et les coquillages. Pour remplir cette mission, ils contiennent pour la plupart des produits biocides qui sont susceptibles de se retrouver dans l’environnement. Longtemps, les organoétains ont été un composant de base pour ces peintures. Ceux-ci sont interdits en Suisse et dans les pays européens depuis 1988. Difficilement biodégradable, la substance pouvait générer des perturbations sur de nombreux organismes vivants, raison pour laquelle elle a été proscrite.

Les biocides sont toujours présents dans la plupart des antifouling, le cuivre et d’autres substances chimiques ont pris le relais des organoétains. Les produits lubrifiants sont de plus en plus utilisés, parfois en complément aux biocides, et peuvent être parfaitement adaptés selon le type d’utilisation du bateau.

Ce qu’il faut savoir

On parle souvent des antifouling érodables ou à matrice dure. Les premiers contiennent des résines solubles avec des biocides qui empêchent le développement d’organismes sur la surface traitée. Leur caractère érodable signifie qu’ils s’usent progressivement par frottement de l’eau, et laissent en permanence une couche propre et active en contact avec le milieu. Ils sont également appelés antifouling autolissants. Ils conviennent particulièrement aux voiliers en polyester qui naviguent régulièrement. Ils sont par contre moins adaptés aux bateaux qui bougent peu, car ils ne vont pas s’éroder. Si on les applique sur des canots moteurs très rapides, ils risquent encore de s’user trop vite et de disparaître après quelques navigations.

Les produits dits à matrice dure sont pour leur part fabriqués avec des résines insolubles résistantes qui assurent une forte protection contre les algues et coquillages. Leur couleur est plus stable, et ils conviennent mieux aux coques en époxy, aux voiliers de régates qui veulent une finition parfaite, ou aux canots moteurs rapides. Leur application nécessite une plus grande attention que pour les produits autolissants. À noter que le fameux VC17 parmi les plus vendus, n’est pas une véritable matrice dure, mais un semi-érodable, qui contient du Teflon et s’use avec le temps.

Kevin Piccand

Au niveau de la loi

Depuis 2005, l’autorisation des produits biocides suit une procédure en deux étapes, comme dans l’UE. Les substances actives des produits biocides doivent d’abord être approuvées ou tout au moins notifiées pour approbation. La Suisse reprend les procédures d’évaluation de l’UE en vertu de l’«accord entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur la reconnaissance mutuelle des évaluations de la conformité». Lorsque toutes les substances actives contenues dans un produit biocide sont approuvées, le fabricant doit déposer une demande et présenter un dossier auprès de l’autorité compétente qui peut conduire à l’autorisation du produit, si tout est conforme. Les antifouling font partie de la classe 21 de produits biocides, pour lesquels dix substances actives ont été approuvées au cours des cinq dernières années. Trois autres sont encore en cours d’évaluation.

Pour les particuliers, l’acquisition d’antifouling est possible en conditionnement de petites quantités, soit généralement en pots de 750ml. L’achat de grandes quantités comme des pots de 5 litres nécessite une autorisation certifiant de la bonne formation de l’usager. Il ne faut jamais se fournir à l’étranger, et s’assurer que le produit dispose d’une autorisation suisse reconnaissable aux numéros CHZNxxxx ou CH-20yy- xxxx sur l’étiquette. Les revendeurs ne mettent, dans la majorité des cas, pas ces produits en libre-service, et ne les vendent que sur conseil afin de s’assurer de leur bonne utilisation.

Respecter les règles

Faire des travaux de réfection de carène n’est pas sans impact sur les personnes et sur l’environnement. Ceux qui ne font pas appel à des professionnels doivent être particulièrement prudents pour réaliser leurs travaux. Ils doivent d’abord se munir de protections appropriées pour ne pas ingérer de quelconque manière les produits toxiques lors du ponçage. Ils doivent encore s’assurer qu’aucune substance chimique ne puisse se retrouver dans l’environnement, en usant de système d’aspiration pour le ponçage à sec, ou en s’assurant de travailler dans une zone équipée de collecteurs de liquides. Les zones de carénages officielles sont obligatoirement équipées.

L’OFEV (Office Fédéral de l’Environnement) recommande pour sa part de faire appel à des professionnels, équipés du bon matériel et au fait des lois en vigueur. Il préconise également de recourir, dans la mesure du possible à des alternatives mécaniques et antiadhésives plutôt que chimiques. La Suède a banni déjà depuis 1995 l’utilisation de biocides pour les utilisations en eau douce. De telles restrictions ne sont bien sûr pas envisageables en Suisse, notamment pour des raisons de climat, mais elles montrent qu’il est possible de chercher des solutions alternatives. On relèvera encore que des industriels proposent depuis quelques années des antifouling adhésifs au silicone qui peuvent remplacer les peintures. Les résultats de divers tests semblent probants, mais l’application est par contre assez laborieuse, délicate et doit être très soignée. Le prix est également élevé, mais compensé par la durée de vie annoncée de cinq ans. Les expériences de ce genre de produits manquent encore en Suisse, mais au vu de l’évolution de la législation, et la propension des navigateurs à se soucier de l’environnement, ils pourraient bien trouver leur place à moyen terme sur nos lacs.

S. Aubord